09/02/2008

Tamenfoust : des origines à la période turque

La Nouvelle République — N° 2989 — Samedi 22 décembre 2007

Tamenfoust, située à quelques kilomètres vers l’Est d’Alger a retrouvé son vrai nom, après que les Français l’eurent appelée«La Pérouse», du nom d’un corsaire de leur marine du XVIIIe siècle Tous les conquérants qui se sont succédé sur notre territoire ont été attirés par ce lieu magique pour son bord de mer, ses plages magnifiques, sa situation géographique, ses plaines aux alentours. Lorsqu’on y est, c’est l’émerveillement. Nous avons eu l’occasion d’en parler
dans la Mitidja depuis les origines. On a fait
aussi l’effort d’expliquer le sens de Mitidja,
parce que chaque toponyme a une longue
histoire.
C’est le cas de Tamenfoust qui en amazighe
signifie «du côté de la droite».
Tout d’abord, les Phéniciens, originaires
de Tyr, sont venus installer un comptoir à
Tamenfoust ou pas très loin d’elle, ils y ont
même construit un port de marchandises, le
commerce ayant été très florissant en leur
temps. Pendant que des caravanes parcouraient
des milliers de kilomètres, très souvent
à travers des déserts en suivant la route
de la soie, de la Chine vers l’Afrique, les
bateaux phéniciens sillonnaient la Méditerranée.
Des vestiges millénaires doivent exister
sous terre et n’attendent que des archéologues,
anthropologues ou autres spécialisés
viennent les exhumer pour les dater, les
déchiffrer, les interroger, identifier les
marques dont ils sont porteurs.
Fort militaire de style turc
Il a été construit en 1760 par le dey
Ismaïl Bacha. Il se présente sous la forme
d’une forteresse circulaire, d’une hauteur
impressionnante. Elle est entourée d’eau,
parce qu’on y accède au moyen d’un pontlevis,
exactement comme dans les châteaux
forts de l’Europe médiévale.
Ce fort turc aurait été érigé pour des raisons
stratégiques : prévenir toute attaque
étrangère, voir au loin si des bateaux s’approchent
d’Alger pour prévenir aussitôt la
capitale. Vingt-cinq à cinquante soldats,
selon les circonstances, y assuraient la
garde. Lorsqu’on y entre, on se retrouve
milieu d’une cour intérieure circulaire et
entourée d’un patio devant lequel s’ouvrent
des chambres, une salle de prière, une boulangerie
avec son installation ancienne, une
cuisine avec cheminée (probablement au
bois ou au charbon), une salle de prières.
Le fort est doté d’une prison avec une
ouverture vers le ciel à partir de laquelle on
fait descendre à manger aux internés.
Il ne faut pas oublier de mentionner
quelques éléments importants comme les
colonnes qui supportent le toit du patio, et
la citerne alimentée par l’eau de pluie et
dont les installations sont restées à ce jour
intactes.
Des chambres aménagées
aujourd’hui en musées
Il s’agit de petits musées par rapport à
leurs dimensions, mais grand au vu des
objets exposés dont quelques-uns datent
des temps anciens.
Là , on a exposé des stèles romaines provenant
de sites historiques de Tébessa, des
pièces de monnaie romaines et turques, des
clous métalliques de formes anciennes, des
bijoux et toutes sortes d’accessoires pour le
maquillage. Ce qui a le plus attiré notre
attention, c’est la qualité des matériaux utilisés
pour la fabrication de tuyaux et de
toutes sortes de conduits pour divers
usages. Leur conservation jusqu’à nos jours
doit susciter des interrogations.
Il faut parler aussi des poteries romaines
dont quelques-unes ont été endommagées
par les visiteurs : jarres comparables à
celles d’aujourd’hui et qui ont survécu
miraculeusement aux siècles d’histoire, des
lampes à huile qui rappellent malgré leur
ancienneté, celles de nos aïeux qui éclairaient
à l’huile d’olive. Et dans la cuisine,
un couscoussier en cuivre installé là comme
pour défier le temps.
Ce qui nous a le plus impressionné, c’est
la terrasse d’où les gardes vigilants surveillaient
en leur temps la côte. Ils étaient
armés de canons orientés de manière à tirer
en direction de l’ennemi de n’importe quel
côté qu’il pouvait venir. Le mur de protection
assez épais pour résister à toute attaque
était pourvu de meurtrières pour assurer
une surveillance permanente et discrète.
Ces murs sont restés intacts.
Dans la même terrasse en forme circulaire,
on a retrouvé toute la tuyauterie restée
conservée et qui servait à recueillir l’eau de
pluie pour la diriger vers la citerne en
contrebas.
Des vestiges d’un intérêt
particulier
Il faut rappeler que chaque salle est couverte
d’une voûte assez solide pour se
maintenir en bon état de conservation. La
construction a dû être confiée à un spécialiste
de l’époque qui la faisait pour durer.
Là, une porte nous a permis d’accéder à un
autre musée où des objets de valeur sont
entreposés, un sarcophage romain encore
en très bon état avec sur ses parois des
sculptures d’artistes représentant des personnages,
des cavaliers sur des montures.
Son couvercle doit être sorti aussi des
mains d’un connaisseur. Il faut parler de
nombreuses stèles probablement ramenées
d’ailleurs pour les mettre sous haute protection.
Et quelques-unes sont là pour exposer
des millénaires d’histoire ; c’est le cas de
celle-ci qui remonte au début de l’occupation
romaine et qui portent encore intactes
les inscriptions latines.
A côté, il s’agit d’une stèle d’un genre
particulier pour avoir été conçue l’honneur
du dieu Saturne, elle est en forme de pierre
plate sculptée. Les bustes de Juba I et de
Juba II, son fils, se regardent comme pour
s’interroger quotidiennement. Le père a
combattu avec acharnement les Romains, le
fils a été pris en charge par les mêmes occupants
pour lui assurer un enseignement de
haut niveau à Rome et en faire ensuite un
allié sûr et précieux. De nombreux
ouvrages scientifiques écrits par Juba II ont
servi de références à des spécialistes de tous
les domaines, particulièrement en biologie,
botanique, zoologie. Il fut le produit indiscuble
du colonialisme romain.
Non loin de ce musée, on a découvert
des obus de canons turcs, d’autres poteries,
des céramiques de hammans d’un style particulier,
montrent bien qui ceux qui ont
vécu avant nous avaient des mains habiles,
un savoir et un savoir-faire extraordinaire
dont nos jeunes devraient s’inspirer en permanence.
Pour cela, il faut une formation
de maîtres et professeurs qui les rendront
aptes à créer la passion des faits historiques,
être capables d’expliquer aux enfants les
faits et événements du passé, de leur montrer
l’intérêt qu’ils ont de retenir des leçons
d’une longue histoire pour les sensibiliser
aux défis de l’avenir, les faire rentrer dans
la compétition internationale. Ce qui exige
des enseignants des connaissances et une
pédagogie à la mesure des grandes ambitions.
Boumediene A.

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